Le Palais de Laurent

 

Le premier soir des vacances [1]

 

Enfin ! On peut dire qu'on les aura attendues. Longtemps. Ce soir, c'est les vacances ! Pour un moment, on peut remiser dans un lointain recoin de sa tête tous les soucis de la journée passée comme des précédentes. On prend son temps. Le soleil est déjà bas dans le ciel, mais ce soir, pas d'urgence. On rassemble tranquillement, lentement, toutes ses affaires, en écoutant le silence d'une salle vide et calme. Le même que tous les soirs à vrai dire. Pourtant, aujourd'hui, on y prête davantage attention. Cela pourrait presque sembler triste mais, au contraire, une profonde sérénité emplit l'atmosphère. L'avait-on seulement remarquée, cette odeur légèrement grisante dans l'air ambiant ? Les senteurs des arbres en fleurs à travers la fenêtre entrouverte, sans doute. Il fait bon, et les rayons obliques du soleil donnent aux ombres des formes insolites et amusantes, comme lorsque l'on regarde des nuages dans le ciel. On traîne encore un peu, puis finalement, on rentre. On continue de ne pas se presser. Oh, non, surtout pas ! On sait déjà que cette heure où le temps est comme suspendu n'est que trop éphémère et que, demain, ce ne sera plus qu'un lointain et agréable souvenir, à demi effacé par le rythme du quotidien. Alors on respire de toutes ses forces, à pleins poumons. Et on savoure. Dans la voiture, on choisit un disque avec soin : c'est que ce dernier sera notre précieux compagnon de voyage, pendant toute la durée de notre retour en douceur à la réalité. Bientôt, la routine reprendra sa place rassurante entre le ronronnement sourd de la machine à laver et le monologue berçant de la télévision. On soupire une dernière fois, on hésite à peine, puis on sort de sa voiture en baillant. On arrive chez soi. En fait, on est bien content ! On va pouvoir souffler, se reposer, se laisser aller. Comme pour nous conforter dans cette idée, le chat s'approche à pas de velours du fauteuil dans lequel on s'est installé et vient frotter tout doucement sa tête contre le bas de notre pantalon, en quête de caresses. Et dans ce début de nuit, seul continue d'exister, pendant quelques trop courtes minutes encore, l'instant présent.

 

le 16 mars 2007

 


1. D'après La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules de Philippe Delerm.

 

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