La Bibliothèque : Rayon "littérature & poésie"
Par cette page, je souhaite vous faire partager quelques avis sur une
sélection d'ouvrages que j'apprécie particulièrement. Je les ai
accompagnés d'une citation permettant de commencer à entrer dans la
magie du livre. Je vous laisse à présent fouiner parmi les rayonnages
(et désolé si le rangement laisse peut-être un peu à désirer !) (et si
vous souhaitez découvrir d'autres livres, rendez-vous dans la
section suivante de ma bibliothèque) :
- L'épée magique (Giftwish),
de Graham Dunstan Martin : Un jeune paysan venu
vendre ses chèvres au marché apprend qu'il a été désigné pour
retrouver la formule magique capable de protéger le royaume contre le
pouvoir du mal. Il devra affronter maints dangers et créatures
étranges dans une quête qui s'annonce très difficile. A priori,
une histoire banale de Fantasy, mais il s'agit de l'un de
mes premiers coups de cœur littéraires ! Je trouve cette belle
histoire injustement méconnue car si l'auteur n'évite pas certains
poncifs du genre, il sait également faire preuve d'une grande
intelligence dans sa manière d'appréhender la magie (notamment par la
place accordée au pouvoir des mots) ou de rendre hommage aux grands
classiques. Tolkien et ce livre ont été les
deux éléments qui m'ont fait aimer la Fantasy et poussé à
écrire une histoire comme Galinda.
Si vous voulez en savoir plus sur ce
magnifique livre, je vous invite à lire mon article (bien plus
documenté que ce court paragraphe) : Giftwish,
un joyau méconnu à (re)découvrir (disponible en ).
" — Je vous présente ma fille adoptive, Étincelle.
Il n'y avait pas uniquement le fait que la jeune fille qui venait
d'entrer et s'était arrêtée dans l'encadrement de la porte avant de
s'avancer et de traverser le tapis, la main tendue pour les saluer,
était d'une beauté frappante. [...] Avec ses cheveux noirs, ses yeux
bleu foncé, sa démarche pleine d'entrain, on aurait dit la sœur
jumelle d'Étoile. Il marmonna une salutation et se rassit, stupéfait
par l'éclat brillant de ses yeux."
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- Dans les forêts de Sibérie,
de Sylvain Tesson : J'aurais pu choisir n'importe
quel livre de Sylvain Tesson, mais celui-ci est celui par lequel j'ai
découvert ce remarquable écrivain baroudeur. Il y raconte comment il
est allé se retirer durant six mois en 2010 sur les rives du lac
Baïkal, en pleine Sibérie, dans une cabane perdue à cinq jours de
marche du premier village... Seul, vivant de poésie, de pêche, de
rencontres avec les ours... et de vodka (qu'il partage tout de même
avec des amis russes de passage !)... On retrouve dans ce livre tout
ce qui fait le style de Sylvain Tesson : un texte simple et limpide,
qui se lit tout seul, une vision du monde poétique et philosophique,
parfois désabusée sur l'humanité, mais si proche de la nature et qui,
personnellement, me redonne la pêche quand je n'ai pas trop le moral.
"La beauté ne sauvera jamais le monde, tout juste offrira-t-elle de
beaux décors pour l'entre-tuerie des hommes."
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- Tolkien : Il
s'agit sans aucun doute d'un de mes auteurs préférés. Et il est
impossible pour moi de mettre en avant un seul de ses livres tant
l'ensemble de son œuvre me paraît former un tout parfaitement
indissociable. Et je ne parle pas que des célèbres Seigneur des
Anneaux et Silmarillion ! Lisez aussi les autres
contes du Professeur qui représentent autant de petites merveilles
méconnues. Lisez notamment le superbe Smith of Wootton Major.
Des rencontres comme celle-là, on n'en fait que très rarement ! Venez
vous promener sur les rivages de la Terre du Milieu profiter d'un
monde secondaire à la richesse et à la profondeur inégalées. Écoutez
le chant mélancolique des Elfes résonnant le soir sous les étoiles.
Peut-être vous raconteront-ils alors quelques fragments de la
fabuleuse histoire d'Arda ?
Pour en savoir plus, vous pouvez également consulter ma (petite) page
sur Tolkien.
"In Faery at first he walked for the most
part quietly among the lesser folk and the gentler creatures in
the woods and meads of fair valleys, and by the bright waters in
which at night strange stars shone and at dawn the gleaming
peaks of far mountains were mirrored. Some of his briefer visits
he spent looking only at one tree or one flower; but later in
longer journeys he had seens things of both beauty and terror
that he could not clearly remember nor report to his friends,
though he knew that they dwelt deep in his heart. But some
things he did not forget, and they remained in his mind as
wonders and mysteries that he often recalled." (Smith of
Wootton Major) |
"En Faërie, il commença par se promener la
plupart du temps parmi les gens simples et les animaux les plus
doux dans les bois et les prairies de belles vallées, ou auprès
des eaux brillantes dans lesquelles, la nuit, luisaient
d'étranges étoiles et, à l'aube, se reflétaient les cimes
miroitantes de lointaines montagnes. Il consacrait quelques unes
de ses visites plus brèves à la contemplation d'un seul arbre ou
d'une seule fleur ; mais plus tard, au cours de voyages plus
longs, il avait vu des choses aussi belles que terribles, dont
il n'avait pas un souvenir très net et qu'il ne pouvait relater
aux siens, tout en sachant qu'elles demeuraient au plus profond
de son cœur. Mais il en était certaines autres qu'il n'oubliait
pas, et il les conservait en tête comme des merveilles et des
mystères qu'il se plaisait à évoquer." (Smith of Wootton
Major) |
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- Le bestial serviteur du
pasteur Huuskonen, de Arto Paasilinna : Un
pasteur finlandais proche de la cinquantaine et désabusé, plus très
sûr de sa foi, se voit offrir un cadeau pour le moins étrange : un
ourson qui vient de perdre sa mère. L'homme et l'animal vont
s'attacher l'un à l'autre et, alors que le pasteur est mis dehors à la
fois par sa femme et par son évêque, il va se retrouver à vadrouiller
avec son ours à travers le monde. Comme dans chaque roman de
Paasilinna, ce qui pourrait être un drame va devenir un récit déjanté
et hilarant tout en faisant réfléchir au sens de notre existence.
"Avant de s'endormir, le pasteur Oskar Huuskonen songea vaguement
que si Jésus avait été Finlandais, marcher sur les eaux n'aurait pas
été un bien grand miracle, en tout cas en hiver. Ce n'était pas une
question d'ardeur de la foi, mais d'épaisseur de la glace."
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- Palais de
glace (Is-Slottet), de Tarjei Vesaas :
Unn et Siss, deux fillettes de onze ans se rencontrent et tombent
éperdument sous le charme l'une de l'autre. Mais la mort va venir
subitement s'immiscer au cœur de leur bonheur naissant. Voilà résumée
succinctement l'histoire de Palais de glace de Tarjei Vesaas
(1897-1970), écrivain norvégien issu de la campagne rugueuse du
Telemark. Et de cette trame on ne peut plus mince, l'auteur va réussir
à tirer un admirable chef d'œuvre de la littérature norvégienne en
nynorsk (néo-norvégien). Il faut pourtant admettre que tout le monde
ne pourra pas rentrer dans ce court roman aux allures de conte qui a
de quoi dérouter. Pour ma part, j'ai adoré ! Avec une merveilleuse
poésie (on croirait entendre la musique de la neige qui tombe),
l'auteur nous convie sans jamais sombrer dans le mélodramatique dans
un monde entre rêve et réalité où l'hiver glacial du nord abolit la
frontière parfois poreuse et dérisoire entre la vie et la mort, entre
l'amour et le souvenir. Au centre de l'ouvrage, un mystérieux "palais
de glace" autour duquel tout tourne, qui est à la fois une bizarrerie
de la nature glaciale figeant une cascade dans le gel, mais aussi un
véritable château féerique dans lequel va finir par se perdre une
jeune fille à l'imagination fertile et vagabonde. Toute la finesse,
toute la subtilité du livre résident dans la force des symboles et
surtout dans les nombreux non-dits, dans cette retenue que l'on
retrouve constamment, notamment à travers la sensualité émanant de
l'étrange amour-amitié qui s'installe dès les premières pages entre
les deux principales protagonistes de l'histoire. Mais cette subtile
retenue transparaît aussi dans l'"après". Car jamais la mort
omniprésente n'est explicitement citée, pas plus que le deuil qui
imprègne pourtant une bonne partie du livre, alors même que le temps
s'écoule inexorablement avec le passage des saisons, de l'automne au
printemps. Si ce n'est les prénoms des deux héroïnes, aucun autre nom
n'est cité : ni lieu, ni personnage, ni date, comme si Unn et Siss
n'existaient que l'une pour l'autre, l'une par l'autre. Encore une
fois, pas d'histoire complexe ici mais bien une force d'évocation hors
du commun dans un petit livre qui dépeint à la fois l'amour et la
force des sentiments pouvant conduire jusqu'à la mort, au-delà de la
mort, jusqu'au retour du printemps et de la vie. Est-ce alors
nécessairement l'oubli ? Le renoncement ? En conclusion, un texte
souvent triste et froid, mais aussi beau et émouvant, presque jamais
désespérant malgré le sujet, et imprégné de la proximité de la nature
que les Scandinaves savent décrire mieux que quiconque. En tout cas
une bien belle découverte que je recommande vivement !
"Unn såg ned i ein trollheim av små
tindar, takkvelvingar, rima kuplar, mjuke bogar og forvirra
kniplingsverk. [...] Sol var ikkje komi, men det skein
isblått og grønt av sitt eige, og dødskaldt."
|
"Aux yeux d'Unn, un monde ensorcelé se
révélait, composé de monticules, de voûtes, de coupoles
givrées, de courbes harmonieuses et de dentelures complexes.
[...] Malgré l'absence du soleil, c'était un éblouissement
de couleurs, des jaillissements de bleus et de verts. Un
froid de mort y régnait." |
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- Le spleen de Paris
(petits poëmes en prose), de Baudelaire : Cette œuvre
d'une vie a été l'un de mes tout premiers "chocs" poétiques. En fait,
j'ai découvert Baudelaire non pas par les fleurs du mal mais
bien par le spleen de Paris dont j'avais trouvé bon nombre
de poèmes en prose magnifiques. Je ne suis venu que plus tard aux fleurs
mais je ne le regrette pas. Entre dégoût du monde, spleen et
aspiration à un idéal, entre tentation du mal et envolées lyriques
cherchant vainement le ciel, la poésie de Baudelaire exprime
admirablement les tensions et les contradictions de l'âme humaine.
"L'étranger
— Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? Ton père, ta mère,
ta sœur ou ton frère ?
— Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
— Tes amis ?
— Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à
ce jour inconnu.
— Ta patrie ?
— J'ignore sous quelle latitude elle est située.
— La beauté ?
— Je l'aimerais volontiers déesse et immortelle.
— L'or ?
— Je le hais comme vous haïssez Dieu.
— Eh ! Qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
— J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas...
les merveilleux nuages ! "
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- Harry Potter,
de J. K. Rowling : Comment ne pas évoquer également
LE phénomène éditorial exceptionnel que représente Harry Potter
? Force est en tout cas de constater que le succès des aventures du
plus célèbre des petits sorciers n'est pas dû au hasard : une écriture
agréable et vivante, des personnages attachants à la psychologie
fouillée, complexe, parfois ambiguë, et qui évoluent ! Sans oublier le
sens extraordinaire du suspense de l'auteur, et sa capacité à inventer
un monde cohérent tout en étant merveilleux et bourré de trouvailles
de génie où chaque détail a son importance. Il faut ajouter également
que la saga Harry Potter quitte au fil des tomes le charme enfantin
qui la caractérisait au commencement pour devenir de plus en plus
sombre et tragique (sans pour autant se départir d'un certain humour).
Mais quelle réussite époustouflante ! On rit, on pleure, on tremble
avec Harry et ses deux fidèles amis Ron et Hermione.
"It is our choices, Harry, that show what
we truly are, far more than our abilities." (Prof. Albus
Dumbledore) |
"Ce sont nos choix, Harry, qui montrent ce
que nous sommes vraiment, beaucoup plus que nos aptitudes."
(Prof. Albus Dumbledore)" |
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- Henri le Vert (Der grüne
Heinrich), de Gottfried Keller : En temps
ordinaire, je suis plutôt rétif aux longs romans d'initiation du
XIXème siècle. Autant dire que je n'avais jamais entendu parler d'Henri
le Vert, qui fait pourtant figure d'immense classique de la
littérature suisse en langue allemande. Et c'est poussé par la
curiosité après l'écoute de la très belle chanson "l'enfant sorcière"
de Thomas Fersen (qui fait référence à une anecdote du livre) que je
me suis lancé dans cette lecture... pour ne plus en décrocher ! Car
outre la très belle traduction aux mots finement choisis (de J-P.
Zimmermann), Gottfried Keller a le don de plonger le lecteur
dans un monde vivant et sensible où les anciennes traditions et la
proximité avec la nature n'ont pas encore été complètement anéanties
par la modernité. Il n'y a pas à proprement parler d'histoire dans
cette autobiographie romancée, mais quel chef d’œuvre cependant : on
croirait voir une multitude de petits tableaux se succédant. Contre
toute attente, j'ai vraiment adhéré aux 700 pages de texte de cet Henri
le Vert. Bref, merci Thomas Fersen et à Manue de m'avoir permis
de découvrir ce splendide roman !
"Dieses ist der allerwunderbarste und
schrecthafteste Tag gewessen, nicht nur allein, seit wir mit
dieser unseligen Creatur zu schaffen, sondern der mir
überhaupt in meiner ruhsamen Existenz aufgestoßen ist.
Denn als die Stunde gekommen und es zehn Uhr geschlagen, haben
wir uns hinter dem Leichlein her in Bewegung gesetzet und nach
dem Gottesacker begeben, indessen der Sigrist die kleine Glocken
geläutet, was er aber nicht mit sehrem Fleiße gethan [...]. Wie
man aber so eben das Todtenbäumlein in das Grab hinunter senken
wollen, hat man ein seltsamen Schrei gehört [...] und hat sich
das Tödlein als lebendig aufgerichtet und ist ganz behende aus
dem Gräblein gekrochen und hat uns angeblicket." |
"Ce jour-ci a été le plus
extraordinairement merveilleux de tous et le plus terrifiant,
non pas seulement depuis que nous avons affaire avec cette
funeste créature, mais de tous ceux qui sont survenus
dans ma paisible existence. En effet, quand l'heure
fut venue et qu'il eut frappé dix heures, nous nous sommes mis
en mouvement derrière le petit cadavre et rendus au cimetière,
pendant que le sacristain sonnait la petite cloche, ce qu'il ne
faisait pas avec beaucoup de zèle [...]. Mais comme on voulait
justement descendre dans la tombe le petit cercueil, on entendit
un cri bizarre [...] et la petite morte s'est dressée comme une
vivante et a très lestement grimpé hors de la fosse et nous a
regardés." |
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- Entretien avec un
vampire (Interview with the vampire), de Anne Rice :
Dans une chambre d'hôtel de la Nouvelle Orléans, un journaliste
découvre la plus étrange histoire qui soit : son interlocuteur lui
raconte sa vie. Sa vie de vampire ! Le livre de vampires le plus
célèbre après Dracula, dont il est
pourtant très éloigné. Ce chef d’œuvre d'Anne Rice, premier d'une
prolifique et inégale série de "Chroniques des Vampires", dépeint des
buveurs de sang bien différents de l'aristocrate de Transylvanie. Ici,
les créatures de la nuit sont sensuelles et torturées, sans limite et
libertines, évoluant avec leur temps. Le style d'Anne Rice est
superbe, noir, inquiétant, et en même temps dépoussiérant comme jamais
ce thème classique. Une belle adaptation avec Brad Pitt dans le rôle
de Louis, Tom Cruise dans celui de Lestat, et Kirsten Dunst dans celui
de Claudia en est sortie en 1994.
"`I took your life,' I said. `He gave it
back to you.'
`And here it is,' she said under her breath. `And I hate you
both!'"
|
"— J'ai pris ta vie. Il te l'a rendue.
— Et voilà, fit-elle dans un souffle... Et je vous hais tous
les deux ! " |
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- Macbeth, de
Shakespeare : Si Hamlet
est une histoire noire, eh bien Macbeth l'est bien plus
encore. Sans doute la pièce la plus noire et la plus étrange de
Shakespeare ! Le texte est parfois obscur et difficile mais il vaut
encore une fois la peine de s'accrocher un peu car, une fois pris dans
le livre, impossible de le refermer ! Ici, nous avons affaire au mal à
l'état pur, aux ravages que peut occasionner une ambition démesurée.
Shakespeare sonde l'âme humaine comme personne, mais la vision qu'il
nous en offre est tout bonnement terrifiante.
Je ne saurais que vous conseiller de jeter un œil (ou plus !) à la version numérisée par
la Bodleian Library d'Oxford du "First Folio" des pièces de
Shakespeare, paru en 1623. Magnifique !
"So fool and fair a day I have not seen."
|
"Un jour si noir et clair je n'en ai jamais
vu." |
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- Jacques le fataliste,
de Denis Diderot : Un vrai choc littéraire que cette
œuvre complètement étrange mais passionnante, impossible à résumer,
que j'ai découverte au lycée, et qui depuis m'accompagne
régulièrement. Ce roman n'en est pas vraiment un : il n'y a pas
d'intrigue, nul ne sait où mène le voyage des deux personnages
principaux, à savoir le maître (sans nom !) et son valet Jacques. Ce
dernier se dit fataliste, mais l'est-il seulement vraiment ?
Saurons-nous un jour l'histoire de ses amours qu'il ne parvient jamais
à conter ? Toujours est-il qu'on ne s'ennuie jamais en suivant cette
étrange conversation qui, non sans humour, critique et parodie la
société du XVIIIème siècle.
"Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde.
Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du
lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on
va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait
que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal
ici-bas était écrit là-haut."
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- Le nom de la rose (Il nome
della rosa), d'Umberto Eco : D'une richesse et
d'une complexité tout bonnement hallucinantes, ce livre ne s'en dévore
pas moins comme un excellent roman policier ! De façon très érudite
sans jamais être ennuyeuse, Eco nous transporte dans une mystérieuse
abbaye italienne du Moyen-Âge où les morts ont une fâcheuse tendance à
s'enchaîner. Le moine franciscain Guillaume de Baskerville et son
jeune novice Adso vont mener l'enquête en ce lieu qui abrite également
l'une des plus grandes bibliothèques du monde occidental. Au rythme de
la vie monastique, on en profite pour apprendre de nombreuses choses
sur les grandes querelles philosophiques et religieuses de l'époque !
Ce livre passionnant est également un vibrant plaidoyer contre
l'obscurantisme et le fanatisme religieux, mais aussi pour l'amour des
livres et de la connaissance.
"Temi, Adso, i profeti e coloro disposti a
morire per la verità, ché di solito fan morire moltissimi con
loro, spesso prima di loro, talvolta al posto loro." |
"Redoute, Adso, les prophètes et ceux qui
sont disposés à mourir pour la vérité, car d'ordinaire, ils font
mourir des multitudes avec eux, parfois à leur place." |
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- Gaspard de la nuit,
de Aloysius Bertrand : L'auteur, Dijonnais, est mort
dans l'indifférence la plus totale. Son œuvre a été redécouverte et
saluée par Baudelaire qui en fait l'éloge dans la préface du Spleen
de Paris comme l'un des recueils fondateurs de la poésie
dite "en prose". Et il est vrai qu'elle est magnifique lorsqu'elle
dépeint un Moyen-Âge sombre et aux aspects gothiques, très graphique,
comme une suite de petits tableaux. En plus, on y retrouve plusieurs
références à ma magnifique ville de Dijon.
"J'aime Dijon comme l'enfant, la nourrice dont il a sucé le lait,
comme le poète, la jouvencelle qui a initié son cœur. - Enfance et
poésie ! Que l'une est éphémère et que l'autre est trompeuse !
L'enfance est un papillon qui se hâte de brûler ses blanches ailes aux
flammes de la jeunesse, et la poésie est semblable à l'amandier : ses
fleurs sont parfumées et ses fruits sont amers."
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- le pape des escargots, de
Henri Vincenot : Un très beau livre, peut-être mon
préféré de Vincenot. On y suit La Gazette, un chemineau bourguignon
qui se dit immortel et "pape des escargots". Il est un peu prophète,
un peu mendiant, et surtout grand connaisseur de son pays. Quel
personnage, à la fois drôle, édifiant, émouvant ! Il sent le talent de
Gilbert, un paysan remarquablement doué pour la sculpture qui va aller
tenter de vivre sa vie à Paris, même si cela ne plaît pas à tout le
monde... Ce roman initiatique est plein de l'amour de l'auteur pour la
nature, pour la sagesse celtique et druidique perdue, et pour sa terre
de Bourgogne. Bien sûr, cette Bourgogne-ci, datant des années
soixante, semble bien loin aujourd'hui, mais elle sait encore se
dévoiler à quiconque sait la chercher en se remettant dans les pas de
La Gazette. J'y pense pour ma part à chaque fois que je parcours ses
sentiers !
"« Salut,
Maconge, toit du monde celtique ! Maître des trois versants ! Centre
sacré du triangle des eaux ! ». C’est ici même que le cheminot
truculent se « débrayettait » pour se soulager trois fois en se
tournant vers les trois points de l’horizon : « Une goutte pour la
Manche, une goutte pour l’Atlantique, une goutte pour la
Méditerranée ! »"
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- Neige (Kar), de Ohran
Pamuk: Ka est un poète turc exilé en Allemagne et qui
a perdu toute inspiration. Il revient dans son pays à l'occasion d'une
enquête pour le compte d'un journal d'Istanbul sur une série de
suicides de jeunes femmes portant le foulard dans la ville de Kars.
Mais une fois sur place, la ville se trouve coupée du monde par une
tempête de neige. Entre les prochaines élections pour lesquelles
chacun cherche à convaincre Ka du bien fondé de ses positions, la
préparation d'une pièce de théâtre et les retrouvailles avec son
ancienne camarade d'Université, Ipek, Ka va recommencer à écrire des
poèmes, rythmés par la chute de la neige omniprésente.
Comme dans ses autres romans, notamment Mon nom est rouge
que j'apprécie également énormément, Ohran Pamuk s'intéresse à ce qui
fait que son pays se trouve depuis toujours au confluent des
influences orientales et occidentales. Neige parvient en
outre à traiter des problèmes modernes de la société turque, comme la
montée en puissance de l'islamisme, avec une poésie rare et
inattendue. Un livre splendide.
"Une fois par vie, il neige dans nos rêves."
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- À la croisée des mondes
(His dark materials), de Philip Pullman : Ce
livre est, à la base, un roman de littérature de jeunesse de qualité
qui, comme Harry Potter, saura
charmer tant les adultes que les enfants. Mieux, tous les ingrédients
du chef d'œuvre sont ici réunis : une histoire intéressante et
complexe à souhait, des personnages attachants à la personnalité bien
fouillée, une bonne dose de poésie, un style vivant et agréable, une
réflexion philosophique qui ne devient pour autant jamais ennuyeuse,
etc. Et l'on peut partir avec la jeune Lyra et son daemon à
la recherche de la mystérieuse Poussière que l'on trouve dans les
lointains Royaumes du Nord. À la rencontre de gitans, de sorcières et
des grands ours en armure aussi.
La longueur de l'ouvrage, les nombreuses références religieuses et
philosophiques, mais aussi la complexité du style (par ailleurs
remarquable !) rendront toutefois la lecture de ce livre difficile
avant le collège. À réserver à de très bons lecteurs.
“Why en’t you cold, Serafina Pekkala?”
“We feel cold, but we don’t mind it, because we will not come to
harm. And if we wrapped up against the cold, we wouldn’t feel
other things, like the bright tingle of the stars, or the music
of the Aurora, or best of all the silky feeling of moonlight on
our skin. It’s worth being cold for that.” |
" Pourquoi n'avez vous pas froid, Serafina
Pekkala ?
— Nous sentons le froid, mais peu nous importe car il ne peut
pas nous faire de mal. Et si nous nous protégions du froid, nous
ne sentirions plus tout le reste, comme par exemple le
picotement brillant des étoiles, la musique de l'Aurore et,
surtout, le contact soyeux du clair de lune sur notre peau.
Toutes ces choses valent bien qu'on supporte le froid." |
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- Le canard sauvage
(Vildanden), de Henrik Ibsen :
On dit que lorsqu’il est blessé, un canard sauvage préfère s’enfoncer
au fond de l’eau et rester accroché de toutes ses forces aux algues et
au varech plutôt que de survivre diminué. Pourtant, un tel animal,
rescapé d’une chasse, vit au fond du grenier des Ekdal qui représente
une ridicule parodie de forêt. Et le volatile qui donne son nom à la
pièce d’Ibsen est au centre de toutes les attentions, à commencer par
celles du vieil Ekdal, jadis lieutenant et vaillant chasseur d’ours
aujourd’hui réduit à tirer des lapins dans son grenier transformé en
basse-cour, mais aussi de sa petite fille Hedvig âgée de quatorze ans.
Hjalmar, le père, photographe raté qui n’a pas même conscience de
l’être, va quant à lui voir sa vie basculer en retrouvant son vieil
ami Gregers, idéaliste intégriste de la vérité qui finira par semer
les germes de la mort dans une famille qui se croyait pourtant
heureuse...
À travers cette œuvre étrange et cruelle, créée en 1885,
s’entrecroisent les destins de deux familles autrefois prospères et
proches, mais dont l’une a subi la déchéance. Et l’on découvre au fil
des cinq actes que compte cette pièce une galerie de personnages
torturés, remplis de failles, voire débauchés (outre Hjalmar, Gregers,
le grand-père, le docteur Relling ou le "diabolique" théologien Molvik
ne sont pas mal non plus !) au milieu desquels le fameux et en même
temps mystérieux canard sauvage devient la métaphore centrale d’une
existence qui ne peut subsister qu’au prix de la négation de son
essence même.
Proposant une vision du monde sombre et pessimiste au possible, mais
où l’humour (noir !) n’est pas absent pour autant, ce drame de
l’auteur de Peer Gynt est aussi une
critique de la société norvégienne de la fin du XIXème siècle tout
autant que des prêcheurs idéalistes qui ne créent que le mal en
voulant faire le bien.
Cette pièce subtile et complexe, où s’entrecroisent de multiples
niveaux de lecture, fut pour moi un choc marquant tant elle suscite
des réflexions intemporelles sur notre société. Le mensonge vital,
comme la fausse forêt-grenier des Ekdal, est-il la seule voie viable
face à une vérité trop cruelle et à la médiocrité de l’existence ?
L’innocence, représentée par la jeune Hedvig, comme le canard sauvage,
peuvent-ils survivre face à la folie du monde qui les entoure ?
La réponse de l’auteur norvégien pourra faire peur, mais que ce texte
est fort... et beau... malgré la noirceur.
L'illustration de couverture de l'édition française GF reprend un
détail d'une peinture de Munch intitulée "Jeunes gens et canards".
Ekdal: [...] Står skogen bra’ deroppe nu?
Gregers: Ikke så gild som i Deres tid. Den er hugget svært ud.
Ekdal: Hugget ud? Det er farlig gerning, det. Det dra’r efter
sig. Der er hævn i skogen. |
Ekdal : [...] La forêt se porte bien
là-haut ?
Gregers : Elle n’est pas aussi splendide que de votre temps. On
a beaucoup abattu.
Ekdal : Abattu ? C’est dangereux, ça. Ça vous poursuit. Elle se
venge, la forêt. |
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- L'Iliade, de Homère
: Lors des derniers moments de la guerre de
Troie, la coalition grecque, menée par Agamemnon, est mise en péril
lorsque Achille est offensé par ledit Agamemnon. Ce sont les causes de
cette colère funeste, de cette crise, qui sont narrées au cours des un
peu plus de 15 000 vers de ce monument. J'ai mis très longtemps à
entrer dans ce texte. Car il faut dire qu'il est difficile d'accès
pour le lecteur d'aujourd'hui : les batailles sont innombrables, tout
comme les héros, dont les motivations ne sont pas toujours très
claires pour le lecteur d'aujourd'hui. Mais l'effort en vaut la peine.
Car lorsqu'on se laisse absorber par cette histoire vieille de
milliers d'années, par la musique de ces anciens vers, par la poésie
d'Homère ce sont les débuts de l'histoire épique occidentale que l'on
contemple à travers les exploits d'Achille, de Patrocle, d'Hector, des
Ajax. On côtoie des dieux omniprésents et aux comportements parfois si
humains qui font le charme de la mythologie grecque. Bref, un chef
d'œuvre intemporel de la littérature qui mérite que l'on prenne le
temps de l'explorer, et d'y revenir !
|
"Chante, déesse, la colère d’Achille, le
fils de Pélée ; détestable colère, qui aux Achéens valut des
souffrances sans nombre et jeta en pâture à Hadès tant d’âmes
fières de héros, tandis que de ces héros mêmes elle faisait la
proie des chiens et de tous les oiseaux du ciel – pour
l’achèvement du dessein de Zeus. Pars du jour où une querelle
tout d’abord divisa le fils d’Atrée, protecteur de son peuple,
et le divin Achille." |
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- Dracula, de Bram
Stoker : le classique des
classiques des histoires de vampires est avant tout un roman
épistolaire fantastique. Ce qui fait que la terreur s'installe, c'est
qu'elle le fait petit à petit. On entre dans l'intimité de Jonathan
Harker et peu à peu, on se trouve prisonnier comme lui de l'étrange
comte qui, paradoxalement, est le seul personnage de cette histoire à
ne jamais s'exprimer directement ! Ce livre a inspiré toute la
littérature vampirique, le cinéma, la télévision. Pourtant, il faut
revenir à ce chef d’œuvre qui n'a pas pris une ride et qui est bien
meilleur que la plupart de ses pâles imitations !
"Nul homme ne sait, tant qu'il n'a pas souffert de la nuit, à quel
point l'aube peut être chère et douce au cœur."
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- Faust, de Goethe :
ou la plus célèbre histoire de pacte avec le Diable. Et quelle vision
du Diable dans le Méphistophélès dépeint ici ! Le thème de Faust n'est
pas nouveau en soi à l'époque de la rédaction du livre de Goethe
(lisez par exemple aussi l'excellent Doctor Faustus de
Marlowe) mais cette version est néanmoins certainement la plus
marquante. Nous est contée dans cette très longue pièce l'histoire
d'un homme révolté qui cherche à percer les mystères de l'univers.
Goethe nous livre dans ce qui est sans doute l'un des plus grands
textes de la littérature allemande une œuvre qui l'occupera jusqu'à la
fin de sa vie. On y trouve poésie, réflexion théologique et
philosophique sur la place de l'homme dans le monde, une analyse
intéressante de la question de la modernité, une interrogation sur le
moyen de trouver le bonheur, etc. Un livre d'une richesse et d'une
actualité jamais remises en cause.
"Von Zeit zu Zeit seh ich den Alten gern,
Und hüte mich, mit ihm zu brechen.
Es ist gar hübsch von einem großen Herrn,
So menschlich mit dem Teufel selbst zu sprechen."
|
"Je vois de temps en temps le vieux
bonhomme et j'aime
A garder avec lui ce pied d'intimité.
Avouez qu'il est bien, pour le Maître Suprême,
De traiter le Diable lui-même
Avec autant d'humanité !" |
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