Interview de Jean-Louis Thouard
(4 avril 2006) :

Jean-Louis Thouard
(Jean-Louis Thouard)

Mardi 4 avril 2006, j'ai le plaisir de rencontrer l'auteur-illustrateur Jean-Louis Thouard pour une petite interview en direct de la cour ombragée du superbe Hôtel de Vogüé à Dijon :

 

Laurent : Bonjour Jean-Louis. Pour commencer, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Jean-Louis Thouard : En termes professionnels, je suis auteur et illustrateur. Je travaille beaucoup pour l'édition : je réalise des albums illustrés, des bandes dessinées, et je fais également pas mal de couvertures de livres. J'ai notamment illustré la Quête d'Ewilan.

L : Quel a été ton parcours pour devenir illustrateur ?

J-L T : Depuis très tôt, j'ai commencé à dessiner. Après un baccalauréat littéraire, un parcours relativement classique, je suis allé aux Arts Décoratifs de Strasbourg qui est une école de cinq années de laquelle je suis diplômé en "communication-illustration". J'ai suivi les cours de Claude Lapointe qui est un illustrateur qui faisait autorité. Parallèlement aux Arts Décos, j'ai suivi les cours de la fac et je suis licencié de la Faculté d'Arts Plastiques de Strasbourg. Pendant que j'étais encore étudiant, j'ai commencé à rencontrer des éditeurs, à faire des Salons, à présenter mon "book", et petit à petit, mon premier livre est paru, puis un second, et un troisième. Et voilà, ça s'est fait comme ça !

L : On sent vraiment dans tes illustrations un style très personnel. Quelles sont tes principales influences ?

J-L T : J'aime bien diversifier mes influences. Je suis très sensible à la peinture, au cinéma, à la littérature, à la sculpture, à la photographie, à des installations. Des choses très contemporaines me plaisent parfois également. J'essaye d'avoir une richesse de sources d'inspirations qui ne soient pas cantonnées à un seul domaine particulier.
Pour ce qui est des illustrateurs, j'aime beaucoup des gens comme John Howe, Alan Lee, Ashley Wood, Craig Mullins, Yoshitaka et beaucoup d'autres... Ils sont assez différents les uns des autres même s'ils ont un point commun : ils travaillent énormément dans l'imaginaire qui est un peu mon domaine de prédilection. Mais outre ça, j'aime bien varier mes centres d'intérêt, le regard que je porte sur les choses pour ne pas m'enfermer dans une seule manière de les appréhender. En termes d'image, il est facile d'attraper des automatismes, des tics graphiques et de se contenter d'un seul type d'écriture.

L : C'est vrai que tes illustrations sont en même temps très variées ! Cela représente bien cette ouverture dont tu nous parles par rapport aux influences.

J-L T : Merci !

L : Tu nous l'as dit tout à l'heure, et cela se voit bien dans les ouvrages que tu illustres, la littérature est pour toi une grande source d'inspiration. En est-il de même de la musique ou d'autres arts non visuels ?

J-L T : Tout à fait ! C'est vrai que la musique, a priori, n'a rien de visuel, mais elle est une des sources d'inspiration, ou plutôt d'accompagnement, qui est pour moi essentielle. Elle accompagne la genèse.

L : Quels sont, parmi tes travaux, ceux dont tu es le plus fier ?

J-L T : À chaque travail que j'aborde, j'essaye d'évoluer, de ne pas me répéter. Il y a pas mal de recherches en amont qui permettent au bout d'un moment de trouver une entrée, parfois petite, parfois plus large. Parfois elle est dure à trouver, parfois plus facile. Le but est que cette entrée ne soit jamais la même. Si on prend toujours la même porte, on se rend compte que l'on va toujours au même endroit et l'on se répète. Au bout d'un moment, ce n'est vraiment pas intéressant !

L : J'ai beaucoup aimé dernièrement ton Bestiaire Fantastique du Pays de Comté. Est-ce que c'est une idée que tu avais depuis longtemps ? Est-ce issu de souvenirs d'enfance ?

J-L T : Tout à fait ! Le Bestiaire Fantastique est issu de ma région d'origine qui est la Franche Comté, puisque je suis du Jura. Dans mon enfance, j'habitais vraiment à l'orée d'une forêt. J'étais très proche de la nature et du côté un peu mystérieux que peuvent engendrer des lieux forts, dans mon cas la Forêt de Chaux. J'allais souvent me promener dans les bois. Et puis il y a des légendes qui étaient vivaces, même avant que je dessine, qui m'étaient déjà racontées par les gens du village. Très tôt, j'ai été bercé là dedans, et quand j'ai voulu faire mon premier livre, assez naturellement, c'est celui-ci qui est venu. D'ailleurs je l'ai republié tout récemment, dix ans après, en le remaniant un petit peu. Il y en a donc eu une première version, puis une seconde.

L : J'imagine que même si tu as baigné dans ces légendes depuis toujours ou presque, le travail de recherche, de collecte des sources a dû être important, non ?

J-L T : Oui,oui ! J'ai un peu fait le rat de bibliothèque et je n'ai pas hésité parfois à interroger des personnes âgées qui avaient la mémoire des lieux, et aussi des gens de terrain, comme Alain Goy, qui m'a fait l'amitié de signer la préface du bouquin. C'est un monsieur qui, en plus d'être un ami, fait vraiment référence pour tout ce qui est patrimoine et vie dans toute cette partie du Jura. Tous ces gens là ont pu m'expliquer parfois des expressions anciennes ou des mots d'origine patois comme par exemple le "signôle". En l'occurrence, il s'agit de la manivelle qui servait à actionner le puit. Pour un animal étrange qui s'appelle le "Tire-Bigot", c'est un mot qui a son importance !

L : Entre La Bourgogne quelle histoire ! , le Bestiaire dont nous venons de parler, les illustrations de contes classiques en passant par Ewilan, tes livres sont très variés. Et tes lecteurs, à quoi ressemblent-ils ?

J-L T : Mes lecteurs, peuvent être des gens à partir de 15-16 ans, ou bien des gens comme toi, des adultes. La manière dont je les perçois, c'est à travers les mails qu'ils m'envoient ou les messages qu'ils laissent sur mon blog. Les adultes, je les vois plus en dédicaces. Il y en a beaucoup qui viennent acheter les albums. Par contre, sur le web, c'est plus des jeunes, avec en moyenne des 15-25 ans.

L : C'est peut-être aussi représentatif de la population qui utilise le plus ce média.
La réussite de tes illustrations qui sont à la fois très fouillées tout en bénéficiant de couleurs somptueuses n'est sans doute pas pour rien dans le succès rencontré par les deux trilogies d'Ewilan ! Y a-t-il d'autres collaborations en vue avec Pierre Bottero ?


J-L T : Oui. Avec Pierre, on va travailler prochainement sur la suite, ou plutôt sur un développement des Mondes d'Ewilan qui va porter sur l'univers des Marchombres et sur l'enfance d'Ellana qui est l'un des personnages clés d'Ewilan, l'un des personnages les plus mystérieux et les plus attachants, je trouve. Le prochain travail commun va être Le pacte des Marchombres.

L : Quels sont tes autres grands projets actuels ?

J-L T : Je travaille sur un projet de bande dessinée. Sur mon blog, je ne dis pas tout, mais je donne des indices, parce que je pense que c'est bien de laisser une marge d'imaginaire par rapport aux images que je montre. Il y a également un projet d'album.

L : Pour conclure cette interview, je te laisse le dernier mot. Y a-t-il quelque chose que tu souhaites ajouter ?

J-L T : Quand je reçois des mails, je suis content de voir que souvent revient à propos de mon travail l'expression "fait rêver". Je me dis alors que les images que j'ai créées ont touché leur but. Je parlais tout à l'heure de portes : les images permettent d'entrer dans des univers complètement différents. Quand on me dit cela, je suis content, et ça prouve que mon travail n'est pas vain.

L : Et bien merci pour cet entretien.

J-L T : Merci à toi !

 
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